Allo (le 15) quoi !

Vous faites le 15. Et après ?

Qui / quoi / comment ??? Comment ça marche ? À la demande générale, tentative d’explication. Certains points de ce post sont redondants avec d’autres évoqués ailleurs sur ce blog. Schéma général et quelques exemples pour illustrer. Tous les acronymes et termes barbares ont déjà été décrits ici, ici et .

De l’appel à la prise en charge médicale : schéma type 

Vous avez composé le 15.

1) Une musique d’attente accompagnée d’une bande audio (dont le contenu est variable d’un centre 15 à l’autre) vous permet de patienter en vous expliquant les éléments qui vous seront demandé de préciser. Le temps de décroché peut vous paraître incroyablement long, il est en réalité statistiquement très bref (et soumis à une démarche d’évaluation de la qualité stricte), et vous permet de rassembler vos esprits afin d’arriver à donner les informations indispensables pour vous venir en aide.

2) Un Auxiliaire de Régulation Médicale (ARM ou «permanencier») décroche et vous parle.

Il établit un dossier comportant votre nom, celui du patient (si ce n’est pas vous-même), son sexe et son âge, sa localisation précise (domicile x rue Machin, Village Y ; voie publique au croisement de la départementale z et de la nationale n ; couloir de gauche du énième étage du bâtiment untel de tel consortium administratif ; …).

Il identifie le motif de votre appel et le degré d’urgence grâce aux éléments que vous lui indiquez et aux détails qu’il recueille, bien souvent vous fait préciser les principaux antécédents et traitements du patient qui influent sur le degré de gravité (saignement + sévère sous anticoagulants etc.).

De sa propre initiative mais balisé par des protocoles de service il peut commencer à déclencher des secours.

Il vous donne des premiers conseils de secourisme allant de la sécurisation initiale d’un accident de la voie publique (vous savez, le gilet et le triangle que vous avez dans votre voiture …) à la mise en position latérale de sécurité en passant par la compression d’une hémorragie et par la réanimation cardiopulmonaire d’un arrêt cardiorespiratoire.

En fonction de tous les éléments recueillis il évalue la situation et en réfère au médecin régulateur auquel il confie votre appel ainsi que le dossier informatique correspondant. Votre appel peut être «priorisé» (par exemple par un code couleur) parmi les appels transférés au médecin régulateur, par l’ARM, en fonction de son évaluation.

Parfois bien qu’en ayant parlé de votre appel au médecin régulateur, il ne lui transfère pas votre appel. Cela peut être parce que les secours nécessaires sont engagés et que les éléments recueillis ne nécessitent pas d’évaluation médicale complémentaire ; il peut également transférer votre appel à un autre service de secours. Exemple : arbre tombé sur la chaussée, aucune victime.

3) Le médecin régulateur vous parle … Oui mais lequel ?

Urgence vitale certaine ou potentielle : toujours celui de l’AMU. Demande de conseil médical, la nuit ou le week-end : souvent celui de la PDS.

Késako ?

Le régulateur de l’AMU (Aide Médicale Urgente) est l’urgentiste au bout du fil. Il y en a toujours un, 24h/24, 7 jours/7, réglementairement. Le régulateur de la PDS (Permanence De Soins) est un médecin généraliste qui dans certains départements et sur certaines plages horaires, est présent au Centre 15 et peut réguler les appels relevant de la médecine générale (beaucoup de conseils médicaux) pour lesquels il a plus d’expérience que son collègue urgentiste qui d’ailleurs croule sous les appels urgents et graves. Vous l’avez compris, le «triage» des dossiers et leur adressage vers l’un ou l’autre type de médecin régulateur appartient à l’ARM. D’où toutes ses questions …

Le médecin régulateur va vous poser à nouveau un tas de questions sur les symptômes, les circonstances, les antécédents, les traitements habituels, le suivi des pathologies chroniques éventuelles, et vous faire détailler un certains nombres de signes cliniques accessibles qui lui permettront de se faire une idée du diagnostic, du degré de gravité potentiel et donc des décisions médicales à prendre. Par exemple il vous demandera dans quelle position est le patient, comment il est coloré, si il est couvert de sueurs, si il est inerte ou présente des mouvements anormaux, si son visage semble déformé et ses propos incompréhensibles, …

Il va vous demander dans la mesure du possible à parler au patient (si il est conscient) ne serait-ce que parce que malgré votre sincérité et votre bonne volonté (et vos compétences lorsque vous êtes vous même professionnel de santé), chacun sait que la multiplication des intermédiaires dans la transmission d’une information nuit à sa qualité (ce qui s’appelle communément le «téléphone arabe», nous y avons tous joué étant enfants). De plus cela lui permet de recueillir deux des rares éléments directement objectivables à la valeur clinique essentielle : la voix et la respiration du patient !

Le médecin régulateur va alors prendre une ou plusieurs décisions médicales. Cela comporte :

– les conseils téléphoniques : surélever les jambes du patient en attendant les secours, procéder à la réanimation cardiopulmonaire, donner un médicament comme du paracétamol, etc. Y est assorti très fréquemment le «rappeler si problème» qui précise des consignes de surveillance et qu’il ne faut pas hésiter à refaire le 15 en cas d’aggravation, même si des secours sont déjà en chemin.

– le fait de vous recommander d’appeler votre médecin traitant ou vous rendre à son cabinet ou dans un service d’urgence ; lorsqu’il le peut il s’assure de prévenir lui-même votre médecin ou les Urgences de votre arrivée même pour une pathologie peu inquiétante. Cependant lors de pics d’activité ou si votre cas ne pose pas grande ambiguïté il peut ne pas être en mesure de le faire (souvent plus de 50 appels par heure … ).

– l’envoi de secours : cela va de l’ambulance privée avec un délai du plus bref possible à quelques heures (cas du patient qu’il «faut» hospitaliser mais sans risque vital), à l’équipe d’urgence et de réanimation (le SMUR) en passant par le véhicule de pompiers.

– la mobilisation d’autres effecteurs en particuliers des médecins de garde : si votre cas le permet, le médecin de garde sur votre secteur vous recontacte grâce aux coordonnées renseignées dans le dossier du SAMU et vous propose un rendez-vous au cabinet médical ; dans d’autres cas il se déplacera en visite car il vous est impossible de vous rendre au cabinet mais néanmoins cela ne nécessite pas une hospitalisation (et votre famille pourra se rendre à la pharmacie pour vous procurer les médicaments prescrits).

Parallèlement à la régulation médicale des appels, le médecin régulateur (de l’AMU) assure de manière constante au sein du Centre 15 une «écoute médicale permanente»; il est responsable de ce qui s’y dit et de la mobilisation des secours qui y sont entrepris. Ainsi parfois il interrompra votre conversation si son oreille a saisi un cas relevant d’une très grande urgence vis à vis de laquelle il devra donner quelques directives avant de pouvoir se consacrer à nouveau à votre appel.

4) L’ARM, parfois dans les «gros» Centres 15 un ARM dédié appelé «gestionnaire des moyens» va déclencher et organiser les secours dont l’envoi a été décidé par l’ARM qui a décroché votre appel et par le médecin régulateur.

Les statuts «départ base», «arrivée sur les lieux» ou aussi certaines requêtes comme «demande de renforts» des équipes de secours en particulier des équipes SMUR sont communiqués au Centre 15 par radio et horodatés par l’ARM. Il existe également parfois des systèmes de géolocalisation qui permettent aux ARM et aux médecins régulateurs de l’AMU de connaitre en temps réel la situation des différents véhicules SMUR sur cartographie informatique. [Ou comment BigBrother le CRRA dit par radio à son équipe SMUR qui cherche le chemin vicinal «Dans 300 mètres sur ta gauche» !]

5) Lorsque des secours ont été envoyés, que ce soient des pompiers, une ambulance privée, et / ou un SMUR ; au terme d’une évaluation circonstancielle et clinique et dans le cas d’une équipe médicalisée, d’une prise en charge thérapeutique initiale ; ces effecteurs vont rappeler le 15 pour donner un «bilan».

Le bilan précise à nouveau les antécédents, les traitements, l’histoire de la maladie et les circonstances, les symptômes, les signes cliniques, les gestes entrepris (du collier cervical mis par les pompiers à l’intubation orotrachéale réalisée par le SMUR), et les paramètres vitaux chiffrés du patient (fréquence cardiaque, tension artérielle, saturation, fréquence respiratoire ; complétés le cas échéant par glycémie, hémoglobine microméthode, évaluation numérique de la douleur). Dans le cas d’un médecin (généraliste de garde / médecin pompier / médecin SMUR) sur place, il comporte également un diagnostic ou des hypothèses diagnostiques. Enfin il indique le souhait du patient et/ou de ses proches concernant la structure d’hospitalisation ; en effet lorsque la pathologie, la distance vis à vis du degré d’urgence, le plateau technique et la disponibilité immédiate des équipes de la structure le permet, ce choix est privilégié.

6) En fonction de ce bilan, le médecin régulateur va entreprendre la recherche d’une place adaptée à la prise en charge du patient et organiser une filière dans tous les cas où cela est nécessaire : plateau technique de cardiologie interventionnelle pour un infarctus, service de réanimation, parfois prise en charge directe au bloc opératoire d’une urgence chirurgicale immédiate, filières spécialisées type AVC, etc.

Cette étape peut être extrêmement chronophage et d’autant plus inconfortable que pendant ce temps le malade aux fonctions vitales instables est toujours «dehors» avec une équipe médicale qui malgré sa compétence et le matériel à disposition peut être limitée pour des raisons techniques (un SMUR ça n’est pas un hôpital non plus), que «time is brain» et «time is heart», et que les appels entrants continuent d’affluer tout comme les autres bilans à prendre en considération … [Je placerai donc ici un petit message pas-subliminal-du-tout à mes amis médecins hospitaliers : 45 minutes pour obtenir une place de réanimation en appelant tous les services adaptés et dont chacun se trouve disposer d’un box libre «au cas où» mais où chacun au terme d’une description de la grande instabilité vitale du patient me répond «appelez les autres services d’abord et rappelez-moi si vous n’avez pas d’autre solution mais là, …» (exemple de la réa pouvant s’appliquer à d’autres), bref les amis je sais que vous avez du boulot mais sincèrement, à 60 appels au 15 de l’heure + tous les bilans et filières à prendre et organiser, passer 45 minutes à vous regarder vous renvoyer la balle, devoir entendre vos doléances, re-décrire le cas à chaque interne puis chaque sénior, c’est insupportable. Quitte à abréger quand vous avez décidé d’emblée de refuser le patient malgré votre box libre. Merci. Fin du petit message personnel.]

Enfin heureusement le monde est merveilleux et donc :

Le médecin régulateur trouve une place adaptée au patient, organise la filière, prévient les intervenants nécessaires, et rappelle son effecteur sur le terrain (pompier, ambulancier privé, SMUR) pour lui faire part de la destination du patient et des recommandations de prise en charge parfois ajoutées par le médecin «receveur» (donner plutôt tel médicament que tel autre avant la coronarographie, etc).

Lorsqu’une décision médicale est difficile il participe à une réflexion à 2 (voire + en relation avec le médecin «receveur» concerné ou le médecin traitant qui a été contacté) avec le médecin SMUR : cas éthique complexe, présentation clinique atypique, balance bénéfice-risque d’une attitude thérapeutique compliquée, etc.

7) Le patient est pris en charge mais il existe un retour d’information, une discussion à posteriori qui permettent d’affiner sa prise en charge (boites de médicaments vides trouvées par la famille, …) ; rappel du même patient laissé à domicile quelques heures plus tard pour une récidive des symptômes, …

Nota-Bene :

Et si vous n’aviez pas fait le 15 mais un autre numéro d’urgence ? Et bien les personnels appelés opérateurs qui décrochent les autres numéros d’urgence identifient rapidement que votre appel nécessite une régulation médicale et transfèrent l’appel au Centre 15 après avoir recueilli les données d’adresse et avoir éventuellement déclenché leurs propres moyens (Par exemple : appel au 18 pour accident avec victime inconsciente => l’opérateur envoie des véhicules de secours pompiers, les forces de l’ordre et transfère l’appel au 15).

Sur quels critères envoie-t-on plutôt les pompiers ou plutôt une ambulance privée ? Cette question épineuse est encadrée par une convention de travail avec ces partenaires, établie au plan national (et ayant changé il y a quelques mois avec des modifications majeures en termes d’organisation) et déclinée / adaptée au plan local département par département en fonction des contraintes et des moyens. Actuellement, grosso-modo, les critères sont relatifs au lieu (voie publique ou établissement recevant du public / domicile) et à la typologie du motif (accident et traumatologie / problème «médical» = non traumatique). Ensuite dans les cas où l’application de ces critères va dans le sens d’une ambulance privée mais où malgré les tentatives d’en trouver une, il n’en existe pas de disponible dans un délai acceptable compte tenu du degré d’urgence, les pompiers sont alors déclenchés «par carence» (ce qui n’est pas sans conséquences budgétaires).

Sur quels critères décide-t-on de l’envoi d’un SMUR ? Ouille. Résumé parfait impossible car c’est tout l’art du métier. Urgence vitale avérée (ACR, …), urgence vitale potentielle (tout est de savoir quel est le degré de potentialité …), urgence thérapeutique impliquant un traitement sur place (forte suspicion d’infarctus qui d’ailleurs peut dégénérer en ACR, analgésie pour traumatologie, …), circonstances nécessitant la présence du SMUR (incendie avec immeuble en cours d’évacuation et potentielles victimes graves non encore évacuées, …), renfort de pompiers ou d’ambulance privée car appel initial peu alarmant mais bilan traduisant une gravité (tension anormalement basse, …) etc etc.  Ces choix sont difficiles et d’autres facteurs les influencent : le facteur temps / distance / service rendu (si le + important est l’arrivée à l’hôpital et que le patient est à 2 km des Urgences dans une ambulance, mais à 20 km du SMUR … ) et la disponibilité des équipes et de véhicules adaptés (une fois tous les SMUR en intervention, un régulateur AMU peut sortir sous réserve de disposer d’un véhicule de SMUR et qu’il reste en permanence un autre régulateur AMU dans la salle de régulation ; au-delà de cela et du «détournement» des équipes déjà en intervention ainsi que de la sollicitation de renforts des départements limitrophes ; pas d’bras, pas d’chocolat).

Sachez enfin que tous les appels sont du début à la fin enregistrés.

L'ARM informe le requérant des moyens mis en oeuvre pour lui venir en aide

L’ARM informe le requérant des moyens mis en oeuvre pour lui venir en aide

Exemples d’appels-type :

A) Comme Arrêt

1) Quelqu’un s’écroule sous vos yeux, sur la voie publique. Il ne respire pas. Vous commencez avec les autres témoins de la scène le massage cardiaque et faites le 15.

2) L’ARM recueille votre localisation sans quoi rien n’est possible ! Tout en s’assurant que vous êtes en train de réaliser la réanimation cardiopulmonaire. Si nécessaire il vous guide dans les gestes. En quelques clics, il déclenche l’intervention des pompiers et d’une équipe du SMUR. C’est un «départ réflexe».

3) Assez paradoxalement, le médecin régulateur (de l’AMU) ne prend pas systématiquement l’appel si tous les secours sont déjà déclenchés, que les manœuvres de réanimations sont en cours par les témoins comme l’ARM s’en est assuré, et qu’aucun proche sur place ne peut lui préciser de contexte médical lui permettant d’affiner la prise en charge immédiate. Finalement, à ce stade, l’arrêt, c’est simple comme une grosse décharge d’adrénaline pour l’ARM qui décroche 😉

4) La poursuite sans interruption du massage cardiaque par les témoins est contrôlée tant que l’équipe SMUR ne fait pas état de son arrivée sur les lieux par radio.

5) Le médecin du SMUR rappelle la régulation au terme d’une réanimation médicalisée ayant permis la reprise d’une activité cardiaque : hourra !

Il précise les différentes manœuvres entreprises, l’état actuel du patient (signes de réveil, instabilité hémodynamique, etc) et la ou les causes supposées de l’ACR en fonction de l’examen, des circonstances, etc. Par exemple ECG montrant des signes d’infarctus, patient stable, intubé ventilé.

6) Le médecin régulateur appelle donc les réanimateurs et les cardiologues interventionnels de la structure adaptée la plus proche en vue de prendre en charge le patient. Les différents intervenants s’entendent pour que le patient soit conduit directement sur table de coronarographie et les réanimateurs seront présents auprès des cardiologues dès l’arrivée du patient. Au décours de l’examen et du traitement endovasculaire, le patient sera pris en charge en réanimation ou en service de soins-intensifs de cardiologie par une équipe pluridisciplinaire.

7) La famille du patient, très inquiète qu’il soit injoignable et absent du rendez-vous qu’ils s’étaient fixés, appellent le 15. Elle est informée dans la limite de ce qu’il est possible (pas de preuve téléphonique du lien de parenté et respect du secret) et humain de dire ; par ailleurs le service dans lequel le patient est hospitalisé est immédiatement informé de son allergie à tel médicament.

B) Comme Bizarre

1) Au beau milieu d’une conversation, les propos de votre frère deviennent incompréhensibles, et la moitié de son corps ne semble plus bouger. Vous faites le 15.

2) L’ARM recueille l’âge de votre frère, ses antécédents, l’adresse. Il s’assure que votre frère est conscient et qu’il respire correctement. Il fait signe au médecin régulateur qu’il envoie une ambulance privée.

3) Le médecin régulateur de l’AMU recueille auprès de vous les éléments qui confortent la suspicion d’accident vasculaire cérébral. Il vérifie la normalité de la conscience, de la respiration et de la coloration, l’absence de douleur thoracique associée, etc. Il vous fait préciser l’heure exacte de début des symptômes dont l’importance est capitale. Il vous donne des consignes de surveillance en attendant l’ambulance.

4) L’ARM s’assure que l’ambulance privée qu’il a déclenché est bel est bien disponible et qu’elle a pris la mission, en bref qu’elle se rend auprès de votre frère.

5) L’ambulance privée rappelle le 15 une fois sur les lieux, précisant les symptômes, rapportant d’excellentes constantes (tension, pouls, saturation, etc), et votre souhait d’être pris en charge dans la Clinique X. Le médecin régulateur de l’AMU vous transmet par leur biais qu’il n’existe pas de filière AVC dans la Clinique X mais que par contre il en existe dans l’Hôpital Y et la Clinique Z qui sont relativement équidistants de votre domicile. Vous optez, avec votre frère, pour la Clinique Z si possible.

6) Le médecin régulateur de l’AMU contacte le neurologue de garde de la Clinique Z et lui indique le cas de votre frère. Ils mettent en place une «filière AVC». Il confirme aux ambulanciers la destination ainsi que les principes de surveillance pendant le transport. Il appelle l’infirmière d’accueil et d’orientation des Urgences de la Clinique Z, le médecin des Urgences, parfois également le radiologue (sinon ce dernier est informé par le neurologue ou l’équipe des urgences) de sorte à ce qu’aucune minute ne soit perdue. «Time is brain». À l’arrivée de l’ambulance et de votre frère, il est enregistré, examiné, perfusé et prélevé (bilan sanguin) et pris en charge très rapidement pour une imagerie cérébrale qui permettra d’éliminer une hémorragie intra-crânienne. En présence de signes d’AVC persistants à son arrivée et en ayant écarté l’hémorragie, si les délais le permettent et qu’il n’existe pas de contre-indication, il pourra bénéficier d’une thrombolyse qui dissoudra le caillot formé dans une artère à destinée cérébrale et maximisera ses chances de récupérer avec le moins de handicap possible. Dans tous les cas il sera pris en charge par une équipe spécialisée afin d’optimiser sa prise en charge.

C) Comme Choc frontal …

1) Des crissements de pneus suivis d’un grand bruit vous font vous précipiter à la fenêtre. De là, vous apercevez 2 voitures qui se sont percutées. Vous faites le 15.

2) Sur ces simples éléments, l’ARM a déjà déclenché l’intervention des pompiers et de la police (pour sécuriser l’accident et faire une enquête). Il va ensuite vous demander de vous approcher sans vous mettre en danger pour évaluer le nombre de victimes et leur état. Tout en restant au téléphone, vous allez vous enquérir de la situation. Plus de peur que de mal à première vue, les conducteurs des deux véhicules étaient ceinturés, leurs airbags se sont déclenchés, ils sont conscients et vous parlent. Et pour le peu que vous arrivez à voir, ont l’air entiers. Il n’y a pas d’autre victime. Par contre l’une des deux voitures est tellement déformée qu’il semble illusoire d’arriver à ouvrir la portière (ou plutôt ce qu’il en reste).

3-4) En accord avec le médecin régulateur de l’AMU, l’ARM précise au CTA (le 18 = les pompiers) le nombre de victimes, la situation, et par conséquent les véhicules nécessaires (véhicule de secours routier, VSAB). Des consignes de surveillance vous sont données.

5) Les pompiers rappellent le 15 pour donner un bilan somme toute rassurant : malgré la haute énergie de l’accident (les airbags déclenchés en attestent …), les deux victimes ne présentent pas de détresse vitale et s’en sortent avec des traumatismes mineurs. Le médecin régulateur leur donne l’autorisation de transporter les 2 blessés vers les Urgences de l’hôpital le plus proche, après immobilisation par attelles et mise en place de colliers cervicaux.

6) Comme pendant ce temps il a une place en réa à dénicher pour un patient qu’une équipe SMUR vient d’intuber, 2 filières AVC à organiser, des gestes de premiers secours à faire faire aux témoins d’un patient en grande détresse respiratoire vers lequel un SMUR est en train de rouler, un patient avec une douleur thoracique dont seul l’interrogatoire permettra une analyse sémiologique assez fine pour prendre une décision médicale adaptée au risque d’infarctus, 1 bilan pompiers en attente pour un autre accident a priori sans grande gravité mais avec tout de même 4 victimes, et que ni les ARM ni ses co-régulateurs ne semblent en train de se rouler les pouces, le médecin régulateur oublie de prévenir les urgences de l’hôpital que les 2 blessés légers de l’accident dont vous avez été témoin vont arriver.

7) C’est alors qu’ayant essuyé la vague dont seuls quelques brins d’écumes sont cités ci-dessus, il se souvient de bon-sang-prévenir-les-urg. Trop tard, le service d’accueil des urgences (qui certes enquille les entrées sans jamais en voir le bout) dans lequel ils viennent d’arriver prend le temps de l’appeler pour lui reprocher son manque de professionnalisme. Mais les 2 patients vont bien, et c’est l’essentiel.

D) Comme Douleur

1) On est dimanche matin, il est 8h. Et votre enfant pleure. Il est bouillant. Vous ne savez pas quoi faire. Vous faites le 15.

2) L’ARM recueille vos noms et adresse ce qui a pour effet de considérablement vous énerver parce que vous vouliez parler immédiatement à un médecin. Fort heureusement, tout en relevant l’absence de signe de détresse vitale, il arrive à trouver les mots pour vous apaiser.

3) Le médecin régulateur de la PDS prend votre appel, non sans vous avoir fait attendre pendant qu’il finissait de prendre un autre appel. L’ARM vous avait prévenu qu’il allait falloir patienter, en vous rappelant la gratuité de la ligne. Votre enfant pleure et du coup votre degré de panique s’est à nouveau élevé. Le médecin mettra quelques minutes à vous faire préciser calmement la situation. Pendant ce temps les appels en attente de régulation s’affichent sur son écran. Tel le vôtre quelques instants plus tôt. Vous finissez lui et vous par convenir qu’il semble s’agir d’une otite, raison pour laquelle votre enfant de 4 ans a mal et de la fièvre. Son cas ne parait pas grave mais une consultation est préférable, d’autant que de toute façon demain c’est férié. Il vous indique les médicaments que vous pouvez d’ores et déjà lui donner et vous propose d’aller consulter le médecin de garde. Il vous précise que vous allez être rappelé sur le numéro que vous aviez donné à l’ARM. Il raccroche.

4) Le médecin régulateur de la PDS avait cliqué «médecin de garde» en précisant dans le dossier «peut se déplacer». L’ARM va alors contacter le médecin généraliste de garde sur votre secteur, lui expliquer votre appel avec les éléments dont il dispose, et lui donner votre numéro de téléphone.

Pas de case 5 et 6 puisque ni bilan ni filière.

7) Le médecin de garde vous a rappelé. Vous auriez aimé que l’on vous communique directement ses coordonnées mais sachez que trop de médecins ont été agressés verbalement ou physiquement lors de garde. Ne pas communiquer leurs coordonnées personnelles fait partie des simples mesures de protection. Il vous a reçu au cabinet médical et a examiné votre enfant et prescrit le traitement adapté. Parfois il a fustigé l’ARM (sachant que pour peu que celui qui vous avait décroché soit en train de faire faire un massage cardiaque, c’est un autre ARM qui reprend le dossier) ou le médecin régulateur (du SAMU, mais lequel ? PDS ou AMU ?) qui en raison du nombre d’appels, du peu d’éléments consignés par écrit dans l’observation du médecin sur le dossier informatique [il m’est facile d’écrire des tartines tout en étant en ligne, mais pianoter à 10 doigts sur un clavier n’est pas, à mon sens, ce qui fait un bon médecin], n’ont pu lui fournir qu’une mince description du cas de votre enfant. [Spéciale dédicace]

E) Comme Et cetera 

Je vous passe les fractures ouvertes, «grande sensation de vide au fond de soi» et autres appels de détresse psychique vis à vis desquels faute de temps et de sensation de pouvoir apporter une réponse adaptée nous avons souvent un abord qui peut paraître peu empathique, les HDT, les incendies, les «j’ai besoin d’un arrêt de travail pour demain», et toutes les autres lettres de l’alphabet.

Post-scriptum : oui, je régulais hier. Et par moments ce n’étaient plus des vagues, mais d’authentiques tsunamis. 😉 All this is true life. Pour autant les exemples qui sont donnés ne sont que des exemples et les choses peuvent se dérouler différemment dans des cas pourtant similaires.

La morale de l’histoire :

Tout cela peut sembler complexe et obscur de l’extérieur. J’espère que vous y voyez plus clair maintenant et saisissez la chaîne de prise en charge qui se met en place à partir de chaque appel, et le rôle des différents professionnels qui en sont acteurs.

L’art dont je parle plus haut est difficile. La satisfaction qu’apporte le bon déroulement de l’enchaînement des différentes étapes comportant l’interaction entre ARM et médecin régulateur, une évaluation adaptée de la situation, l’envoi des secours correspondants jusqu’à l’organisation de la filière d’accueil du patient à l’hôpital est le baume au cœur du régulateur. 🙂

Quand vous faites le 15, il est décroché. Pour vous apporter une aide médicale allant du simple renseignement au déclenchement d’un plan rouge.

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9 commentaires pour Allo (le 15) quoi !

  1. idyllia dit :

    Ton blog devrait être reconnu d’utilité publique ! Et en particulier ce post que je me permets d’envoyer dans les méandres de Facebook ! Puisse-t-il trouver son chemin !

    Et… Encore merci !

  2. Je plussoie Idyllia, ce billet est très utile et informatif à souhait ! J’ai déjà « eu affaire » au 15, pour un bout d’chou brûlant, l’ARM m’avait passé le régulateur de la PDS qui nous avait rassurés (ça va j’ai tout bon ? 😉 )
    C’est vraiment très intéressant de savoir comment ça se passe, derrière notre vision de patient.

  3. yorick30 dit :


    Tiens Doc, l’ARS vous rajoute du boulot…^^
    (Ceci dit, on en a déjà récupéré pas mal grâce à ça: Merci le 15 😀 )

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  5. Stéphanie dit :

    Dis Doc, on a dû faire appel à l’équivalent du 15 en Belgique pour une personne en état d’ivresse avec trauma crânien et l’ambulance a mis 45 minutes à arriver (45 réelles minutes, pas 4,5 qui paraissent 10 fois plus). Le temps annoncé était de 4 minutes. C’est un gros-vilain-disfonctionnement non ? (et qu’est-ce qui peut expliquer ça ?! parce que 15 minutes après on avait les flics, qu’on n’avait pas appelé (mais qu’on a laissé gérer du coup parce que hein…)).

  6. Faire Argent dit :

    Merci beaucoup pour cette mine d information.

  7. On en veux encore !!! par ici vous etes maintenant dans mes favoris a bientot.

  8. rémi gondran dit :

    merci en tout cas, merci infiniment pour le respect que vous exprimer envers les ambulanciers! merci beaucoup et sincerement

  9. Ping : La Garde de Nuit (enfin, jusqu’à minuit) | 2 Garçons, 1 Fille : 3 Sensibilités

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