Destin animé

Vous autres misérables humains n’avez pas eu la chance d’être de véritables héros, et par conséquent que votre vie soit relatée, quitte à l’être de façon prémonitoire, dans de nombreux chef d’œuvres du petit écran, comme le sont les sagas basées sur ma vie. C’est triste, et j’entends bien que ça doit pas être rigolo tous les jours, d’être ordinaire. J’aime bien, je trouve ça charmant, cette application qu’ont les scénaristes à parler de moi. Quand bien même ils prennent parfois un peu beaucoup de libertés avec la «pincée de fiction pour brouiller les pistes». Hmmm. J’en vois qui sont dubitatifs, devant leur écran… Bon ok, puisque vous y tenez, je vous démontre [comme quoi la diplomatie lexicale tient parfois à l’ajout d’un «r»]. Selon la bonne vieille structure en Thèse-ReThèse-ReReThèse-Synthèse idéologiquement équilibrée à l’image de l’impartialité arbitraire qui me caractérise.

Ma life personnelle ne vous regardant pas, je ne m’étendrai pas sur le fait qu’elle ait consisté en une pagnolerie mi «Le Temps des Secrets» mi «Manon des Sources» durant mon enfance (sauf que Marcel, bon sang, y’a PAS de sources dans le Lubéron, enfin en tous cas pas celui où je crapahutais après l’école) puis en un joyeux mélange entre «The Sentinel» (d’ailleurs arrêtez de vous curer le nez, je l’entends à plusieurs centaines de km et ça m’agace), «Sex & the city» (mais sans le budget fringues)(ni les amis, parce que j’aime pas les gens), & «Le Caméléon» («Il existe des êtres doués d’une intelligence supra normale») [désolée, j’exorcise].

Y'a PAS de sources, Marcel.

Y’a PAS de sources, Marcel.

Non, non, non, non, non. Pas de sources.

Non, non, non, non, non. Pas de sources.

Mon taf, lui, est illustré par 2 feuilletons télévisuels remarquables : «E.R.» («Urgences» pour ceux qui n’ont pas besoin de se la jouer dans la langue de Shakespeare) et surtout, surtout, «Les Cités d’Or». Consciente de la perplexité des jaloux-incrédules-nasospléléologues de service, je vais vous le prouver par l’analyse du générique de mon dessin animé fétiche.

Mais ça sent bon quand même, te vexe pas, Marcel.

Mais ça sent bon quand même, te vexe pas, Marcel.

«♫ Enfant du soleil ♪» Eh oui. Désolée de vous infliger mon autopsychanalyse, amis lecteurs, mais oui. Carrément, même. N’ayant connu mon père qu’assez tardivement et ayant été informée de l’existence du concept «humain» de «père» encore plus tardivement ; j’étais profondément persuadée, enfant, être la descendante directe du soleil. Si si. Je nourrissais pour l’astre une reconnaissance quant à la force et la protection qu’il me donnait. Voui, c’est exact, gamine, je ne me prenais pas pour de la merde. Du reste si y’en a à qui ça pose problème, qu’ils s’estiment heureux que je ne leur envoie pas mon paternel pour leur cramer l’épiderme jusqu’au mélanome.

«♪ Tu parcours la terre le ciel ♪» Tout est dit. SMUR terrestre, SMUR héliporté.

«♪ Tu cherches ton chemin ♪» Vive le GPS dans les véhicules.

«♪ C’est ta vie c’est ton destin. ♪» Je sais ! C’est exactement ce que j’ai dit quand j’ai postulé pour le job.

«♪ Et le jour, la nuit ♪» Durant tout le nycthémère. Ça s’appelle des gardes. Ça te met à l’envers (bouleversement des rythmes circadiens nommé, à l’instar du jet-lag, le «garde-lag») mais généralement l’arrêt de 3h du mat est de meilleur pronostic pour l’équipe soignante que pour le patient.

«♪ Avec tes deux meilleurs amis ♪» L’ambulancier ou le pilote + l’infirmier(e). Notez que dans le dessin animé, il n’est pas question de considérer les externes comme des amis. Pourtant ils font de vachement bons gâteaux partie intégrante de l’équipe.

«♪ À bord du grand Condor ♪» Arf. Là, il a fallu s’adapter. Non pas qu’on en ait pas, au contraire, c’est pas ça qui manque. Des pelletées. Mais ils sont pas en or. Du coup les SAMU, pour les transports héliportés, sont équipés de dragons ou d’écureuils.

J'aurais kiffé le SMUR-Licorne, mais genre les chefs veulent pas.

J’aurais kiffé le SMUR-Licorne, mais genre les chefs veulent pas.

«♪ Tu recherches les Cités d’Or ♫» Façon de parler. Plus communément, les cités dortoir, ou encore les bleds paumés. Ne chipotons pas, car comme le disait Peter Safar, «Critical care is a concept, not a location».

«♫ Ahahahahah, Estéban Zia, Tao les Cités d’Or ♫» Vous vous en doutez, il s’agit de noms de code. Le «Ahahahahah» demeure véridique.

«♫ Enfant du soleil ♪» Oui bon ça va, on va pas insister, après vont tous se plaindre auprès de moi quand y’a une météo pourrave.

«♪ Ton destin est sans pareil ♪» Bien plus que si mon dessin animé et ma série fétiches avaient été Casimir & Derrick, pour sûr. L’ai échappé belle.

«♪ L’aventure t’appelle ♪» Raccourci. Trop simple. En vrai, l’aventure appelle le 15, et la régulation déclenche. Seulement voilà, ça rimait pas, «Ton destin est sans pareil, un quidam s’étouffe, ses proches téléphonent au SAMU, ton collègue qui se farcit 50 régulations de l’heure décide de t’envoyer».

«♪ N’attends pas et cours vers elle. ♫» Bah c’est le principe, en fait. Pas le temps de se refaire une beauté, précaution inutile puisque t’façon on est déjà super beaux et que Glasgow 3, le patient ne s’aperçoit même pas de nos efforts cosmétiques. L’impatience des patients, leur péril impérieux. 

CQFD.

Un jour, je vous conterai comment il m’est possible d’être à la fois pétillante et chiante 😉

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10 commentaires pour Destin animé

  1. LiliRavioli dit :

    Infirmiere en smur depuis quelques années déjà, je dévore vos écrits depuis peu… Merci aux collègues médecins qui me les ont conseillé !
    Les situations sont si vraies … J’en ai a mon niveau vécu plusieurs.
    Merci pour toute cette saine lecture.

  2. Tina dit :

    Non, la fille du soleil pagnolesque !
    D’accent aigu à Luberon jamais plus tu ne mettras !
    Les vernaculaires ne tolèrent pas d’ouïr « LubÉron » alors que dire de devoir le lire ?
    Oreilles et yeux qui saignent, il faut appeler le 15 et fissa !

  3. Tina dit :

    Une dérogation et le dernier mot, voilà qui donne un avant-goût de la chiantitude, j’ai hâte 😘

  4. Hermine dit :

    Une heure et demie du matin et je rigole toute seule au fond de mon lit.
    Pas merci pour ma voisine qui a DS de Maths demain !

  5. Doña Juana dit :

    Ah , Dame Tina , je ne peux pas m’empêcher de réagir à votre commentaire ! A la fin du 19ème , un groupe de félibres a travaillé à franciser l’écriture du provençal , mais , tout occupés qu’ils étaient à faire les beaux dans les salons parisiens , ils ont oublié de préciser qu’en Provençal , le son  » euh  » n’existe pas , la lettre e se prononce é , et donc en français on matérialise cette nuance par un accent . Et cet oubli désastreux a abouti à l’horrible « LubEUron  » que , bons élèves , les provençaux eux-mêmes se sont laissé imposer par des maîtres d’école venus de …Paris !!! Et donc , vous avez raison , les Provençaux de souche croient dur comme fer que c’est la bonne prononciation …bande d’incultes !!! Attention , si ça continue , avec la colonisation parisienne qui ne cesse de s’accroître , ça va finir en Lubron !!!
    Alors oui , moi aussi , je dis Lubéron , car , comme le chantait Mireille Mathieu , »Oui , j’ai garrrrdé l’accent  » …..

  6. Yelle dit :

    Tu m’as bien fait rire, comme souvent. Bravo !

  7. Doña Juana dit :

    Ahahah ihihih que c’est dr

  8. Doña Juana dit :

    Ahahah ihihih que c’est drôle !!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!! Très bien écrit,un peut de grosmot: ………………………..(j’les dis pas pasqe moi au moins j’dis pas d’gros mots).

    Wikipédia

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